Dans les histoires ou conte que nos parents avaient pour habitude de nous raconter avant d'aller dormir, la fin était toujours à peu près heureuse et finissait bien n'est-ce pas ? Deux amoureux unis pour la vie avec une belle et grande famille. Peut-être était-ce votre cas mais ce n'est pas mon histoire. Je n'ai pas eu cette chance, avoir cette belle et grande famille quand on rentre à la maison, vos frères et sœurs qui hurlent dans toutes les pièces de la maisonnée. Tout ce à quoi j'ai eu droit, c'est ma mère et son appartement à Brisbane. Quel effet cela peut faire d'attendre son père quand il rentre du travail ? Nous accueillera-t-il à bras ouvert ou passera-t-il à côté de vous en ébouriffant votre tignasse en disant « Alors t'as bien travaillé ? » ou l'éternel « C'était bien les cours aujourd'hui ? » Non. Je n'ai rien connu de tout ça. Quand les cours étaient finis, je rentrais seul à la maison, goûtant sur la table du salon, face à la porte d'entrée et lorsque j'entamais mes leçons ma mère finissait toujours par arrivée. Sa fatigue se lisait sur ses cernes mais son sourire indiquait sa joie de me revoir et son « Bonjour mon trésor. » me réchauffait le cœur. Elle était sans doute ma seule consolation dans ce monde aussi cruel soit-il. Mais ce n'est sans doute pas la partie la plus intéressante de ma petite existence sur cette planète.

« Je peux savoir où tu étais ? Et regardes dans quel état tu es ! » C'était sans doute la première fois que ma mère, ou du moins je ne me rappelle pas des autres fois où elle s'énerva contre moi. Je devais avoir dans les dix-sept ou dix-huit ans quand elle avait fini par découvrir que je consommais de la drogue. Au départ, j'avais fumé comme ça pour essayer. Eh oui, même les premiers de la classe peuvent devenir des délinquants en suivant les autres. Puis un soir en rentrant chez moi, un dealer de mon quartier m'avait proposé de l’héroïne. J'ai refusé bien sûr mais quelques temps après en faisant des recherches sur l'identité de mon père, j'avais découvert qu'il avait une double vie. Une belle vie en somme. Marié avec deux enfants, dont un fils étant lui-même à l'armée comme lui. Comment dire et décrire ce que j'avais ressenti. Comment manquer autant de respect à maman ? Elle méritait tellement mieux que cet homme. Alors comme pour oublier, je m'étais mit à consommer. Achetant tout ce qui me tombait sous la main. Autant dire que ma réputation avait prit un sacré coup. J'étais premier de la classe bien sûr, le genre réservé et solitaire, alors le jour où j'ai finis par répondre à un professeur ça en avait surprit plus d'un. Tout le monde me voyait comme un petit rebelle, la drogue ne m'avait pas fait que du bien. Bon, j'avais toujours de bonne note dans mes évaluations mais en ce qui concernait la vie scolaire, ce n'était pas ça du tout. C'était sans doute ce qui avait mit la puce à l'oreille à ma mère, mon comportement envers elle, avait changé aussi. Alors un soir, même si tous les dealers s'étaient fait prendre, ceux à qui ils devaient de l'argent, avait retrouvé ma trace. Forcément, je n'avais pas l'argent sur moi alors ils m'avaient comment dire... Un peu sermonné avec leur poing ? Mais je ne pouvait pas dormir dans la rue comme un clochard, il fallait bien que je rentre chez moi. La bonne nouvelle, c'est qu'elle était déjà au courant que je consommais, pas besoin d'expliquer pourquoi j'avais un énorme œil au beurre noir. En revanche lui dire pourquoi je faisais ça, c'était plus compliqué. « Mais pourquoi... Qu'est-ce qui t'a pris ? » « Et toi, pourquoi t'as rien dit à propos de papa ? Tu savais qu'il était marié, avait deux autres gamins ?! » J'étais énervé, enragé qu'elle ne m'avait rien dit. Elle aussi sans doute car sa main vint frapper mon visage déjà bien amoché. Ne disant rien, me contentant de la regarder, sa main qui m'avait giflé se posa sur sa bouche, puis derrière mon crâne, m'obligeant à me blottir contre elle. Ce n'était pas moi qui allait m'en plaindre, on en avait besoin tous les deux de cette étreinte, de ce moment de réconfort après tout ce qui c'était passé. Après tous ces évènements, on s'était mit d'accord sur le fait que j'irais en cure de désintoxication. Inutile de dire que c'était passionnant... Tous ces drogués, ces toxicos... C'était vraiment flippant en y repensant mais c'était de cette manière, que j'avais fait la rencontre de celle qui aura été, la mère de ma fille.

Cela faisait près de cinq ans que nous étions ensemble, avec bien sûr les inconditionnelles ruptures et les remises en ménage. Les raisons étaient souvent les mêmes, ses parents ne me portaient clairement pas leur cœur. Ils étaient de ceux qui venaient de la grande noblesse, comprenez-vous ? Le genre je vous regarde de haut et vous n'êtes que de petite chose inutile à nos yeux. En revanche, leur fille n'était pas comme ça. Légèrement rebelle comme moi bien entendu, sinon je ne l'aurais jamais rencontré avec tous ces toxicos. Amélia était plus douce et aimante avec ce petit caractère de cochon qui faisait toute la différence. Alors quant au bout de cinq ans de relation, elle en vint à rompre aussi subitement qu'elle était arrivé dans ma vie, ce fut un choc qui n'allait avoir aucun retour en arrière. Madame avait eu la bonne, voire extraordinaire idée de sa vie, de consulter mes messages. Son prétexte fut de me dire qu'elle ne supportait plus que je parle à cette "Miss Pamplemousse". Que pouvais-je bien y faire ?! Nous étions internes au même hôpital et notre maître de stage n'était pas un ange... Surtout envers la pauvre Lucy, ladite "miss pamplemousse", alors je l'avais un peu prit sous mon aile et depuis nous étions resté en bon terme mais ça s'arrêtait là, point ! Mais c'était sans nul doute le dernier message qui avait dû la gêner : « Hâte d'être à demain pour te mettre la misère ! » Bon... On se connaissait, on savait comment interpréter nos propos mais c'est vrai que si une personne lisait ce message sans nous connaître au travail, ça portait à la confusion. Disons qu'on avait nos défis, nos petits jeux bien à nous, il fallait bien tuer le temps comme on pouvait. Bref, on s'était disputé tout ça à cause d'un malheureux message, ce qui de fils en aiguille avait enchaîné d'autres sujets à la suite. Autant dire que ça était plutôt violent, je n'ai pas traîné pour faire mes cliques et mes claques et je suis parti. Neuf mois se sont écoulés sans avoir de nouvelle de sa part, jusqu'à qu'un jour, ses parents débarquèrent chez ma mère, où j'avais déboulé un peu précipitamment après la rupture. Ce jour, je penses m'en rappeler toute ma vie. Premièrement, ils n'étaient clairement pas heureux de me voir et moi non plus d'ailleurs. Deuxièmement, les avoir en face de moi tous les deux sur notre canapé ne m'enchantaient guère. Comme dans leurs coutumes en mon égard, le père n'y alla pas par quatre chemins et m'annonça qu'elle était décédée depuis quelques semaines. Oh tiens comme c'est bizarre ! J'ai pas reçu d'invitation pour l'enterrement dis donc ! Oui c'était cruel de ma part de penser ça mais vous n'avez pas cette chance incroyable de connaître mes anciens beaux parents croyez-moi. Enfin ancien, c'est vite dit parce qu'ils avaient une seconde nouvelle à m'annoncer. Elle avait eu un bébé ou plutôt nous avions eu un enfant. Et ce fut le déclic. Ce n'était pas un hasard si elle m'avait quitté neuf mois auparavant, c'était sans doute soit qu'ils continuaient à l'aider financièrement ou alors, on coupe les ponts et adieu l'argent de papa. Grosso modo, c'était l'enfant ou moi. Dans le cas ici présent, c'était l'enfant. Amélia avait préféré avoir un avenir tout tracé pour son bébé et éviter un éventuel problème financier auquel seul ses parents auraient pu nous aider. Son choix était tout à fait normal et je le respectais, elle n'avait pas agi par égoïsme mais par amour. Cela expliquait la véritable tristesse sur son visage, le message de ma collègue n'était qu'un vulgaire prétexte de dernière minute. J'allais répliquer « Espèce de salopard ! » et lui mettre mon poing dans la figure quand il entama qu'il n'avait pas le temps de s'occuper de l'enfant, ils me proposèrent donc de le garder. Ce fut ma mère qui accepta, partageant la garde avec eux quand ils le désireraient. Ce qui je supposais, jamais. Ils voulaient s'en débarrasser ça en crever les yeux. De tout le temps qu'ils avaient été là, je n'avais pas pipé un mot. Mon silence et mon regard était glacial, ils ne voulaient plus me revoir le jour où on s'était séparé. N'était-ce pas ce que j'étais en train de faire ? Je ne rompais pas notre deal, j'avais tenu parole jusqu'à qu'ils se lèvent et commencent à prendre la porte. « Attendez... C'est quoi... Je veux dire... C'est un garçon ou une fille ? » Et pour la première fois, ma belle-mère prit la parole. « Une fille. » Quand ils partirent enfin, ma voix ressorti d'elle-même, il fallait que j'évacue. « Qu'est-ce qui t'a prit ?! Je pars quatre ans au Kenya, je ne pourrais pas l'emmener dans ma valise et tu le sais. » « Oui mais c'est déjà bien gentil de leur part de la mettre à ta charge en venant ici tu crois pas ? Ils auraient très bien pu la garder ou la confier à un orphelinat en donnant un peu d'argent au juge pour que tu ne sois au courant de rien. Remercie le ciel qu'ils soient cléments avec toi. » Et ça en resta là, cette enfant allait vivre avec nous que je le veuille ou non.

Quelques mois après son arrivée, je m'envolais en Afrique pour faire de l'aide humanitaire. Comme pour prouver à mon père que je pouvais être meilleur que lui, même si je n'allais pas être présent envers l'enfant pendant quatre ans, je prenais régulièrement de ses nouvelles via Skype. Aider les autres et les sauver était sans doute quelque chose qui me plaisait alors quand je revins sur le sol Australien, mon métier fut tout trouvé, chirurgien en cardiologie. Mais pas à Brisbane, j'avais d'autres projets. Entre-temps, l'envie de rencontrer cette demi-famille m'avait traversé l'esprit. Au fond de moi, j'étais désireux d'en savoir plus, les connaître et savoir que Lucy vivait elle aussi à Seattle, m'avait incité à m'installer là-bas. Regardant par la même occasion si certaines écoles étaient plus ou moins correctes, je voulais que ma fille dont j'avais dorénavant la garde, ne fasse pas le même écart de chemin que moi.

Bien que cela fasse six ans que nous avons emménagé ensemble, je n'ai toujours pas trouvé l'audace de contacter mon demi-frère. En contrepartie, j'avais tissé un lien si fusionnel avec ma fille, que cette dernière avait fini par combler mon bonheur. Elle était tout ce qui me restait d'Amélia qui malgré tout, j'avais continué à aimer. Seattle est à présent un nouveau départ, une nouvelle page de mon chapitre, de ma petite histoire.