Écouter, apprendre, prendre des notes. Les journées se ressemblaient et se repeter. Un quotidien répétitif, qui n’était pas pour me déplaire, j’avais mes petites habitudes, ma vie était toute tracée pour les prochaines années à suivre, du moins jusqu’à la fin de mes études. La tête posée dans le creux de ma main, mes yeux commençaient à se fermer doucement, je n’avais pratiquement pas dormi de la nuit, à attendre un message de ce cher Oscar. Je lui en avais voulu toute la soirée, jusqu’à ce que mon petit corps ne tienne plus et s’effondre. Je ne pouvais pas le blâmer, il avait un métier difficile et écrire à une jeune femme n’était certainement pas dans ses priorités. N’arrivant plus à suivre ce que le prof était en train d’expliquer, je croisais mes bras sur la tablette servant de bureau et m’assoupit un court instant, enfin, jusqu’à la fin du cours. C’est dans un sursaut théâtral que j’ouvrais de nouveau les yeux, la sonnerie de fin de cours en petit fond musical. Rassemblant mes quelques affaires qui trainaient par-ci, par-là, je sortais de la salle à la hâte, évitant les quelques personnes déjà dehors.

Inspirant une grande bouffée d’air frais, je reprenais mes esprits petit à petit, j’ouvrais les yeux pour découvrir des nuages bien trop menaçants pour passer l’après-midi à réviser dehors. Étirant mes bras vers l’arrière comme si j’avais passé la meilleure sieste de quelques minutes, une petite tête blonde attira mon attention. Arquant un sourcil en essayant de me souvenir d’où me venait cette soudaine intrigue, mon regard se faisait un peu plus insistant et avant que nos regards se croisent, je changeais déjà de place, manquant les deux dernières marches d’escalier, atterrissant dans une sorte de grand écart non maitrisé. Souriant à deux inconnus qui me regardaient d’un mauvais œil, je suivais du regard cette même tête blonde, avant de m’apercevoir que j’étais en train de la suivre. Ma discrétion légendaire m’ayant abandonné depuis longtemps, je m’arrêtais à temps devant un stand de café à emporter, juste avant qu’elle ne s’arrête pour je ne sais quoi, peut-être m’a-t-elle vu la suivre ? Auquel cas, je passerais pour une folle, voire même une psychopathe. Me tenant les tempes avec mes deux mains, j’étais en train de me demander si mon cerveau endormi n’était pas en train de me jouer un tour. « Un café bien fort s’il vous plaît. » Tout en passant ma commande pour garder ma couverture bien au chaud, je prenais soin de voir jusqu’où se dirigeait la jeune femme blonde dont le prénom m’échappait totalement, mais pour une raison que je n’arrivais pas à expliquer, elle me disait vaguement quelque chose.

Attrapant le gobelet chaud, je continuais ma petite marche en versant les deux sachets de sucre dans le liquide chaud. J’avais totalement perdu la blondinette de vue, mais mes pieds me guidèrent vers la bibliothèque, ça tombe bien, je devais réviser, après ma petite sieste improvisée, je ne pouvais pas me permettre de prendre du retard. M’installant sur une table libre et proche des livres dont j’allais avoir besoin. Posant mon sac, je me relevais rapidement pour aller chercher un bouquin sur l’histoire de l’architecture, non pas que cela m’intéresse grandement, mais j’avais tout un exposé à rendre là-dessus, plus vite je commencerais, plus vite je terminerais, dans la logique des choses. Attrapant ce livre enfin trouvé parmi les millions d’autres, la silhouette de la blondinette apparue à quelques rayonnages, tous en levant le livre devant mes yeux, je le redescendais un peu pour que mes yeux puissent voir plus loin que les quelques lignes écrites sur les pages. Scrutant à droite et à gauche pour être certaine que personne ne me voit faire, j’avançais vers elle, dans la discrétion la plus totale, nous étions dans une bibliothèque après tout. Comme je ne voyais pas où je m’étais les pieds, je ne fus pas très étonnée de faire tomber une petite pile de livres, dans un bruit relativement assourdissant. « Pardon. » Haussant les épaules, je me baissais pour ramasser les quelques livres au sol.

Si c’était bien elle la copine de Jona, alors il avait fait un très bon choix. Elle souriait et parlait gentiment la petite blonde, mais j’étais tellement ridicule à côté d’elle et ces beaux cheveux bien lisses. Observant mon vieux t-shirt rentré dans un jean prit à la volée ce matin sur la chaise de bureau, alors qu’elle avait dû passer des heures à choisir une tenue parfaite, j’aurais sûrement la motivation de le faire si je ne passais pas les trente minutes qui suivaient mon réveil, à continuer ma nuit. Lorsqu’elle se releva et que son parfum vint titiller mes narines, je réagis à cette nouvelle information qu’elle venait de me donner, son prénom. Loin de moi l’idée d’avoir à moitié écouté Jona, il me semblait bien que c’était elle, la blondinette qui faisait battre son petit cœur. De nouveau en position verticale, je suivais cette nouvelle inconnue jusqu’à sa table. « Merci pour tout à l’heure, moi c’est Beth.  » J’aurais presque pu lui tendre ma petite main si elle n’était pas prise au piège par plusieurs livres qui n’avaient pas encore retrouvé leur place.

Déposant les livres sur le bord de la table, je m’appuyais sur le rebord de celle-ci pour regarder ce qu’elle faisait. Vous voyez les enfants de cinq ans qui découvrent le monde et qui deviennent vraiment très oppressants proches de votre tête ? J’étais pire qu’eux. « Tu étudies quoi ?  » Ah oui, j’avais également oublié les questions à répétition. A vrai dire, j’étais plutôt impressionnée par la qualité de vie qu’elle dégageait, du coup je me sentais quelque peu désarmé et complètement ridicule de l’avoir suivi jusqu’ici, mais ça, je me gardais bien de lui en parler. Mon éternelle gentillesse et curiosité, surtout cette dernière, me poussaient à en apprendre plus sur elle, parce que si Jona l’aimait, alors elle devait être géniale et pour rien au monde je ne le laisserais profiter sans moi, mais le problème, c’est que je ne savais pas comment elle allait réagir et en plus, si ça se trouve j’étais complètement en train de la déranger.

Feuilletant l’un des livres que je venais de faire tomber de sa petite étagère, je tombais directement sur l’anatomie du corps humain, par réellement dans mes cordes,, la médecine, tout ça, ce n'est pas vraiment mon style, si on omet simplement ce beau chirurgien que je fréquente, mais ça, c’est également un autre sujet que je préfère sortir de ma tête actuellement. Claquement le livre, je m’installe en face de ladite Karla, croisant les bras. «  Tu as besoin d’aide ? Ou plutôt de silence… » Tout en faisant la moue, je m’affalais sur le dossier de cette chaise des moins confortables.