Maman, Papa,

Qui suis-je ? La réponse est simple : je suis votre fils. Je m'appelle Noah McGrath, j'ai trente-deux ans. Je suis né le trente et un octobre quatre-vingt-sept à Seattle. Je suis né avec un mois et demi d'avance. On m'a trouvé devant un centre d'adoption, c'est là-bas que j'ai grandis et que je me suis construit. Je ne sais pas pourquoi vous avez fait cela, vous avez certainement vos raisons. Avant cela m'interpellais mais plus maintenant, je m'en fiche. Je ne vous déteste pas, bien au contraire. J'espère qu'un jour, nous pourrons nous rencontrer. Si vous voulez tout savoir, j'ai eu une vie pas banale du tout. Ça serait trop long à expliquer mais tant pis, je vais vous tout vous raconter quand même. Prenez un thé, un café et des petits gâteaux. Ça va être long, très long.  

J'ai été trimballé de famille d'accueil en famille d'accueil, jusqu'à mes douze ans. Jusqu'à ce qu'un homme vienne m'adopter. Il voulait simplement toucher le chèque des allocations ainsi qu'avoir des bras pour l'aider à la ferme. Je dormais dans une petite chambre miteuse avec le strict minimum : un lit, une commode et un bureau pour faire mes devoirs. À l'école, j'étais un garçon sérieux. Mes notes étaient excellentes, je recevais souvent des compliments de la part de mes professeurs. Je ne fréquentais pas tellement mes pairs, je restais seuls dans un coin. Un livre à la main, ou bien mon carnet à dessin. Je dessinais tout ce que je voyais : mes professeurs, mes camarades, des paysages sur lequel j'aimais me rendre. Un an après mon arrivée, l'homme qui m'a adopté s'est v confier la garde de sa nièce. Elle semblait avoir peur et puis, elle était triste. Souvent le soir, je me glissais dans sa chambre attenante à la mienne et  me mettais au lit avec elle. Ce qui m'a le plus ému c'est sa manière de se blottir contre toi et pleurer dans ton tee-shirt. J'avoue que parfois c'est elle qui venait dans ma chambre. Elle venait de perdre ses parents, j'avais l'impression qu'on se ressemblait elle et moi. Elle était belle, je me suis promis de la protéger comme si nous étions frère et soeur. L'homme ne cessait de nous battre. Qu'il me frappe passait encore mais pas elle. Je ne compte plus le nombre de coups que j'ai reçu à la place de Kaylee (c'est son prénom) parce que je me suis dressé entre elle et son oncle. Aujourd'hui, j'ai encore quelques marques dans le dos. Je les assume, ça fait parti de mon histoire. Lorsque j'ai eu dix-huit ans, je suis parti de cet enfer. J'ai été égoïste, je n'ai pas pensé à emmener Kaylee avec moi. J'aurais dû, nous nous étions promis de toujours être là l'un pour l'autre. Et pourtant, je l'ai abandonné là-bas. Je ne veux pas imaginer ce qu'elle a dû vivre là-bas, toute seule avec lui. Je ne me le pardonnerais jamais. J'avais laissé une lettre à Kaylee sous son oreiller, je lui expliquais tout. Jamais je ne serais partis sans lui donner la vraie raison de mon départ. C'est grâce à un ami du lycée que je suis parti de la ferme. Abandonner Kaylee m'a déchiré le coeur, je n'ai jamais été capable de l'oublier. Mes sentiments envers elle se sont développés avec les années qui se sont écoulées. Je suis resté à Seattle, bien caché dans les quartiers les plus sombres afin qu'il ne puisse jamais me retrouver. Tous les jours, j'avais peur qu'il ne me retrouve et ne me frappe encore. Je ne dors pas beaucoup, deux heures par nuit tout au plus. Je n'ai jamais cessé de penser à Kaylee. Jour et nuit, elle était présente dans mes pensées. Un beau jour, j'ai postulé pour intégrer la base militaire de la région. Je fus rapidement engagé et un de leurs meilleurs élément, sans vouloir me vanter. Envoyé sur le terrain, j'ai reçu une balle dans la jambe. J'ai dû être rapatrié d'urgence à Seattle où je suis resté durant trois mois à l'hôpital. Mes frais d'hospitalisation étaient élevés, je n'avais pas les moyens. Une grande famille influente à Seattle les a pris en charge. En échange, je devais épousé leur fille unique qui menait une relation parallèle avec son garde du corps. C'est ainsi que je retrouve actuellement fiancé sans éprouver le moindre sentiment pour cette jeune fille. Kaylee est encore trop présente dans ma tête. Tous les jours, je suis à sa recherche et espère la retrouver pour lui avouer à quel point je suis navré de l'avoir abandonné, que je l'aime aussi. Ne pouvant plus exercer mon métier de militaire, je me suis replongé dans la peinture. Toujours le même dessin : le visage de Kaylee tel que je l'imagine dans ma tête. Je continue d'écrire ce roman commencé il y a plus de dix ans maintenant, une lettre d'amour sous forme de roman. Mes sentiments à l'égard de Kaylee.